Depuis quelques temps, le logo de Cocyclics apparaît de plus en plus souvent dans l'édition Imaginaire. Dans un milieu où les places sont très chères (la littérature Imaginaire en France comptant presque autant de lecteurs que d'apprenti-auteurs), le label Cocyclics commence à apparaître comme une sorte de carte de Fidélité : un macaron accès facilité pour les bons éléments. Je vous avoue que même moi qui ai toujours apprécié l'esprit de Cocyclics (leur ayant d'ailleurs consacré plusieurs articles sur ce blog), j'ai commencé à craindre que cela sclérose un peu ce milieu, déjà pas toujours facile d'accès. M'étant donc posé la question, je partage mes réflexions en ces pages, car ce blog a toujours eu davantage pour but d'être un lieu d'échange qu'un endroit où j'assénais des vérités absolues.
Tout d'abord, un petit rappel pour les nouveaux : Cocyclics, qu'est-ce que c'est ? En gros, Cocyclics c'est un forum qui permet la rencontre d'auteurs plus ou moins débutants (il commence à y en avoir des pas débutants du tout, maintenant !) afin d'échanger des informations, mais surtout des bêta-lectures. Le principe est simple. Vous arrivez, vous vous présentez et vous postez des nouvelles ou des extraits de romans pour qu'on vous aide à pointer les faiblesses et à les corriger. Combien ça coûte ? Rien, si ce n'est du temps et de la bonne volonté. Parce que ce qu'on vous donne, il faut le rendre, en lisant d'autres textes à votre tour (pas tous, je vous rassure !) et en aidant à les améliorer.
Le principe est super. Le résultat tel que les éditeurs ont commencé à se pencher sur leur efficacité et à se fier à leur compétence. Là aussi, un petit rappel pour les nouveaux : l'édition est surchargée. Il y a beaucoup trop de manuscrits envoyés aux éditeurs. Des piles entières qui envahissent les bureaux de ces êtres humains dont les journées ne se composent que de 24h (et pas toutes ouvrables, faut bien qu'ils dorment, parfois). Parmi les manuscrits en question, un nombre incalculable de trucs qui ne s'approchent que de façon très lointaines du français, qui ne sont que des pastiches de mauvaises qualités d'oeuvres majeures ou qui auraient du potentiel mais partent du principe qu'on travaillera ça avec l'éditeur pour, par exemple, corriger les fautes. Or, non. L'éditeur il n'a pas que ça à faire. Fut un temps lointain, peut-être. Quand le commerce du livre n'était pas en crise, quand l'invention du PC n'avait pas rendu l'écriture accessible au plus grand nombre, etc... etc... Bref, un manuscrit écrit avec les pieds, l'éditeur ne dépassera pas la troisième page, même s'il y avait un trésor sous les odeurs de fromage. Donc cette opportunité d'échanger des bêta-lectures sur Cocyclics, c'est un vrai bienfait pour les éditeurs et également pour les jeunes auteurs qui éviteront les quelques erreurs qu'ils auraient pu zapper afin qu'on dépasse la lecture de la page trois de leur précieux manuscrit.
À partir de là, certains éditeurs ont décidé de donner une priorité aux auteurs qui passaient par ce filtre. Il y a une certaine logique là-dedans puisque ces auteurs ont "perdu du temps" à corriger leur manuscrit avant (si vous avez tiqué sur le "perdu du temps" tant mieux, on ne perd jamais de temps à corriger ses manuscrits) et donc ils en gagnent de l'autre côté.
Alors où est-ce que le bât blesse me direz-vous ? Parce que, comme je le disais plus tôt, moi aussi j'en suis venue à me poser la question. La raison en est simple : tout le monde ne peut pas travailler avec la méthode Cocyclics. Les raisons peuvent en être diverses : à la louche : pas à l'aise avec le fonctionnement d'un forum (ne me dites pas "non, ça s'apprend", y a des gens pour qui ça ne fonctionne pas) ; allergiques au nénuphou (je ne plaisante qu'à moitié, certains auteurs (et non des moindres dans le passé) ne sont pas très portés sur les relations sociales, le fonctionnement d'une communauté ne sera pas la meilleure façon pour eux de progresser)...
Le principal problème qui se pose concerne les auteurs qui ont commencé, avant que Cocy ne prenne son essor, à s'intégrer au milieu et ont déjà développé leur propre système de travail. Ceux-là ont déjà commencé à travailler leurs textes avec des éditeurs et ont appris à corriger les défauts les plus habituels de leur plume, ils ont souvent déjà des bêta-lecteurs, ils sont sur plusieurs autres forums qu'ils ne souhaitent pas quitter ou travaillent dans des fanzines, webzines, etc... Bref, même si tout cela ne rend pas forcément inutile le travail chez Cocyclics, ça pose le problème du temps. L'auteur étant peu payé (voire pas) et ayant un boulot à côté, rajouter Cocyclics à tout ce processus n'est pas toujours possible. Il pourrait renoncer au reste, sauf que c'est sa méthode de travail et qu'il y a droit. Bref, j'espère ne pas voir fleurir dans les commentaires des arguments pour défendre Cocy et dire que telle ou telle raison de ne pas y aller est mauvaise. Le fait est qu'il y a des gens qui ne peuvent/veulent pas passer par Cocyclics sans être pour autant des glandeurs qui rendent des torchons aux éditeurs. C'est leur droit. Tout comme c'est le droit du collectif d'avoir développé une méthode qui marche.
Où est donc le problème ?
Le problème c'est que la lucarne vers l'édition est toute petite et qu'en voyant Cocyclics y prendre plus de place, ces auteurs ont l'impression d'en perdre. Est-ce le cas ? Pas forcément. Si on prend le cas particulier de la discussion qui a engendré ce billet (ici, l'AT Destination Univers étant ouvert uniquement aux grenouilles (membres de Cocyclics) et aux invités), cet Appel à Textes aurait à mon avis été totalement fermé avant l'existence de Cocy. Donc Cocyclics ne fait que donner une chance supplémentaire à certains jeunes auteurs sous certaines conditions.
Existe-t-il une autre voie pour accéder à ces AT privés (ou semi) ? Oui. J'ai répondu à des appels à textes ouverts chez Griffe d'Encre. J'ai été refusée plusieurs fois, j'ai lu les conseils du comité de lecture pour comprendre mes échecs, j'ai travaillé, j'ai fini par être acceptée pour des AT, puis par sortir une novella chez eux et en tant qu'auteur griffé, j'ai le droit de soumettre à cet appel à textes (ce qui ne sera pas le cas une autre fois, avec une autre maison).
Cela vaudrait également pour des gens dont les textes sont parus chez tel ou tel éditeur avec une qualité suffisante pour justifier l'intérêt (et l'invitation directe) des deux anthologistes.
Sur le coup, je vous avoue que n'étant pas invitée ni grenouille (et n'ayant actuellement pas le temps de faire les bêta nécessaires sur Cocyclics (c'est déjà pas dit que j'ai le temps d'écrire un texte)), je me suis dit "Flûte" mais tout comme je me dis "Flûte" parfois quand je vois sortir une anthologie pour laquelle aucun AT n'a circulé (privée, donc) et dont le thème m'aurait tentée. Je ne suis pas à une échelle où le monde littéraire ne peut pas se passer de moi pour sortir un livre. C'est la vie, on referme cet AT-là et on s'en va voir sous d'autres cieux si n'on aurait pas un texte à écrire sur le Feu ou les Proverbes (deux AT ouverts en cours chez Griffe d'Encre).
Parfois, peut-être, les manuscrits Cocyclics passent réellement devant d'autres manuscrits (c'est le principe d'un système de priorité) mais au final, le but reste de soulager les éditeurs et de ne pas les dégoûter définitivement de la sélection de jeunes auteurs. Ceux qui débutent feraient peut-être bien, en effet, de réfléchir immédiatement à la nécessité ou non de passer par là. Il y aura toujours d'autres voies, mais peut-être sont-elles plus longues et ont-elles moins de chances d'aboutir (un auteur peut réussir à s'améliorer seul avec les critiques de ses textes, mais il a plus de chance s'il est aidé par des auteurs expérimentés).
Reste le problème de ceux qui ont développé leur propre réseau et leur méthode de travail. Ceux qui ne peuvent pas quitter leurs bêta-lecteurs actuels, leurs forums, fanzines ou blogs pour rejoindre Cocyclics. Et, dans l'absurde, je me demandais : pourquoi ne pas développer un système de "validation" extérieure à Cocyclics ? Car ce qui manque à ces auteurs, ce n'est pas le travail, c'est uniquement le fait que quelqu'un valide leur travail pour que leur manuscrit ne se noie pas parmi les milliers de daubes (désolée pour le terme) qui envahissent les éditeurs. Ils pourraient à ce moment-là développer un réseau dont la condition serait, une fois encore, de se bêta-lire entre eux, mais également d'avoir déjà été édités via la sélection d'un AT ouvert.Peut-être un système d'échange de textes privé par exemple. Une liste tenue à jour de textes en cours de lecture et chacun choisirait ce qu'il lit en fonction du thème, des quelques lignes de présentation ou de l'auteur. D'après ce que je sais, c'est en gros ce qui se fait pour la bêta de romans chez Cocy, sauf que là, ce collectif d'auteurs se passerait de la préselection forumique, considérant qu'ils s'ouvrent aux auteurs déjà sélectionnés par le microcosme SFFF (voire qui sait, des auteurs pourraient discuter avec Cocyclics de leur possibilité de participer aux bétas privées, s'ils peuvent justifier de quelques parutions qui ont plu à Cocy et si Cocy leur faisait passer une sorte de "petit examen" de bêta sur un texte (car on peut être bon auteur et mauvais relecteur)*).
Bien sûr, les éditeurs ne vont pas se presser de donner la priorité à des manuscrits ou ouvrir les AT privés à un collectif qui consistera uniquement en une poignée d'auteurs qui se disent entre eux que leur travail il est vachement trop bien. Cocyclics non plus n'a pas gagné ses galons en un jour. C'est le résultat du travail fourni qui permettra peut-être à terme une certaine reconnaissance. En attendant, ce pourrait être une nouvelle façon de développer la solidarité entre des jeunes en devenir qui ne peuvent pas fonctionner en forum.
[edit]L'idée n'étant visiblement pas très claire, je copie/colle ce que j'ai répondu à Garulfo sur le forum de Cocyclics en commentaire]
Enfin voilà, c'était une idée en l'air (de toute façon, je serais bien incapable actuellement de participer à la mise en place d'un tel collectif). Le but était surtout d'essayer de dire que le succès mérité de Cocyclics leur avait valu cette place particulière dans un monde saturé. Et que ceux qui ne pouvaient pas se joindre à l'aventure pourraient peut-être essayer de développer d'autres projets pour se créer leur porte d'entrée.
Pour conclure, un tout petit mot : je serais contente si ce billet suscitait quelques réactions dans la mesure où c'est un sujet sur lequel j'ai déjà entendu des gens s'exprimer (plus souvent en privé qu'en critique ouverte). Mais j'aimerais éviter les trolleries. Je ne sais pas si j'ai été diplomate dans tout ce que j'ai dit (je manque de temps pour relire suffisamment un billet sur un thème aussi sensible) mais j'aimerais bien qu'on puisse faire avancer la discussion, de façon à accepter le très bon boulot que Cocyclics fait pour les jeunes auteurs et les éditeurs et éventuellement trouver une façon pour les auteurs "intermédiaires" de ne pas se sentir floués.
*Enfin là, je m'avance. Les grenouilles ont un système qui fonctionne bien, pas dit qu'elles aient envie d'y apporter des modifications ^^
*edit*
Ce même jour, un article de Jeanne-a-Debats pour répondre aux éventuelles critiques autour de cet AT semi-fermé/ouvert : http://jeanne-a-debats.over-blog.com/