À la fois éditrice et auteur, Nathalie Dau publie des ouvrages d’une telle qualité qu’on aimerait qu’elle ait des journées de cent heures pour se consacrer encore plus à ces deux activités. Son premier opus des Contes Myalgiques avait été récompensé par le prix Imaginales en 2008 et les fans attendaient le deuxième avec une impatience mêlée d'exigence. Les Contes Myalgiques II : les atouts du Diable sont enfin en souscription (allez admirer la couverture et lire le quatrième, ça met l'eau à la bouche !)
À cette occasion et malgré son emploi du temps surchargé, Nathalie est venue partager avec nous son amour de l'écriture.
Entretien avec Nathalie Dau
Bonjour Nathalie, merci beaucoup de m'accorder quelques mots.
Les Contes Myalgiques I avaient reçu le prix Imaginales en 2008 (premier prix pour un livre Griffe d’Encre, éditeur qui en a depuis gagné plusieurs autres). J'imagine que ça reste une expérience très particulière pour toi.
Tu devais attendre la parution de ce tome 2 avec autant de hâte que ton public. Qu'est-ce que tu ressens aujourd'hui ? Plutôt du soulagement ? Du stress ? Un peu des deux ?
Du soulagement, oui. Mais surtout de l’enthousiasme. Et une certaine impatience à recueillir les avis des lecteurs, qui ont si bien reçu le premier opus. Du coup, je m’étais mis sur les épaules une terrible pression. Pas question pour moi de décevoir. Je me suis montrée particulièrement exigeante avec moi-même. Ne pas décevoir… tout en se renouvelant. Surprendre… tout en rassurant, histoire qu’on se dise « oui, c’est bien toujours sa patte ». Alors j’ai mis du temps pour écrire les 13 textes et les 2 poèmes inédits (au sommaire : 19 textes et 2 poèmes, pour 21 atouts, forcément). Et j’y ai mis tellement de moi, j’ai tellement donné, dans ce recueil, que maintenant je trépigne, comme quand on a emballé un beau cadeau pour quelqu’un qui compte beaucoup à ses yeux, et qu’on a du mal à attendre le jour J pour l’offrir.
Les Contes Myalgiques II ont su se faire désirer, mais il faut dire que tu as une activité littéraire très chargée. Peux-tu nous en parler ?
Entre les CM1 et les CM2, il y a eu pas mal de publications, oui. Les Débris du Chaudron version roman aux éditions Argemmios, mes premières incursions en jeunesse avec Voir avec le Cœur (Argemmios) et surtout cette fabuleuse expérience avec Krystal Camprubi que fut Légendes, créatures fantastiques (Auzou). Quelques nouvelles : « La Bouche » dans l’anthologie caritative « L » des éditions CDS, « Pour Camille » pour le site Reims : Destination Noël (2 textes qu’on retrouve au sommaire des CM2, parmi les 6 qui ne sont pas inédits). Il y a eu « Owein », aussi, dans l’anthologie De Brocéliande en Avalon (éditions Terre de Brume), un texte que j’aime énormément mais que je reconnais difficile pour qui n’a pas lu Le Songe de Rhonabwy en plus d’Yvain, le Chevalier au lion… J’espère que je n’oublie rien.
Et puis il y a eu la création des éditions Argemmios, les premiers AT, les premières sélections, le travail de direction littéraire, les premières publications, les salons, le démarchage des libraires, les devis d’imprimeurs à étudier, les problèmes divers et variés auxquels il faut faire face…
Les Contes Myalgiques II sont en souscription à partir d'aujourd'hui,
pour une parution le 15 novembre.
Vous pouvez admirer ici la couverture
Et le quatrième donne des frissons également...
Est-ce que ce n’est pas parfois difficile de concilier tes deux passions. Tu n’as souhaité éditer qu’un seul de tes livres chez Argemmios (les Débris du Chaudron), et encore était-ce une version plus développée d’un texte déjà paru chez un autre éditeur. Pourquoi ce choix ? Peur qu’on t’accuse de te servir de ton statut d’éditrice pour te vendre en tant qu’auteur ? Volonté de te soumettre à la sélection et aux conseils d’un autre éditeur ?
L’édition est très prenante. Parfois, tant de problèmes s’accumulent, tant de travail, que je me sens comme oppressée. Ce qui me pèse, c’est le manque de temps. Ce qui me met la pression, ce sont les attentes des auteurs qui ont hâte de voir leurs livres publiés – et je les comprends, oh oui, comme je les comprends ! J’essaie de ne léser personne, de m’occuper d’eux, de leurs textes, sans oublier de m’occuper un peu de moi (écrire m’est trop vital). Là où je culpabilise, c’est par rapport aux anthologies. Je me sens prise entre plusieurs feux. D’une part les auteurs, d’autre part les commerciaux du diffuseur qui m’expliquent qu’ils ont du mal à placer les anthologies chez les libraires. Les recueils connaissent un peu le même problème. C’est flagrant aussi au niveau des bibliothèques municipales. Au niveau du marché, on se rend compte qu’un roman même moyen va générer davantage de commandes qu’une excellente anthologie ou qu’un excellent recueil. Du coup, j’ai dû ajuster mon planning de publication. Décaler les anthologies (qui demandent en outre énormément de travail), avancer des romans… parce qu’il faut faire rentrer des fonds si on veut pouvoir payer l’impression de tout ce qu’on a retenu.
J’ai publié deux ouvrages de ma plume chez Argemmios : la version revue et augmentée de Les Débris du Chaudron, sous la direction de Jean Millemann, et Voir avec le Cœur, un texte jeunesse développé avec l’école primaire Jean Moulin de Pontoise. Dans les deux cas, c’était pour « tester » la machine. En cas de plantage, je préfère être seule à encaisser.
Il y a eu des gens (il y en a toujours) pour dire que j’avais créé Argemmios pour m’auto-publier. Je n’ai qu’une chose à leur répondre : je publiais ailleurs avant et je continue à publier ailleurs. D’ailleurs si je n’avais pas créé ma maison d’éditions, j’aurais du temps pour finaliser des tonnes de projets en cours, et donc je publierais davantage. Je n’ai pas peur de ces rumeurs, en revanche j’avoue qu’elles m’agacent, comme m’agacent tous les mensonges. Ou plutôt, qu’elles m’ont agacée. Avec le temps, et les publications d’autres auteurs qui s’enchaînent chez Argemmios, je pense qu’il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour leur accorder encore quelque crédit.
En tant qu’auteur, j’ai besoin d’être rassurée, et parfois canalisée, oui. Mais j’ai un passé riche en expériences diverses, alors maintenant, je sais quel type de direction littéraire me convient, et je pense mieux cerner les lignes des différents éditeurs, donc selon ce que j’écris, je sais à qui je peux ou ne peux pas le proposer. Je fonctionne beaucoup à l’affectif, aussi. Il faut que je me sente bien avec mon directeur littéraire. Qu’il aime mon texte, ma plume, et qu’il veuille se battre pour les défendre au mieux. Parce que, si je sais me battre pour les autres, je ne sais pas le faire pour moi-même. Alors oui, j’ai besoin d’être épaulée.
Ton boulot d'éditrice doit énormément empiéter sur le temps que tu peux consacrer à tes propres écrits. Qu'est-ce qui t'a poussée à faire ce choix ?
L’envie de continuer l’aventure initiée avec L’Esprit des Bardes (l’anthologie que j’avais dirigée pour Nestiveqnen). L’envie de publier des textes littéraires et exigeants que les plus grosses structures publient plus rarement, car leurs impératifs économiques (et leurs actionnaires) les contraignent à ménager une place importante aux textes à rentabilité plus immédiate (ce qui leur permet, justement, de financer quelques "danseuses" de premier ordre, moins grand public mais merveilleuses, et qui parfois offrent la bonne surprise de séduire plus de lecteurs que prévu). J’aime à dire que je vise une niche dans une niche (la grande niche, c’est la SFFF, et la petite niche, c’est le lectorat qui ne se limite pas aux traductions de best sellers anglo-saxons). L’envie d’aider des auteurs à exister (ceux qui n’intéressent pas encore les plus grosses structures). L’envie de publier des textes différents (par leur format, par leur approche, par leur ton, par leur inspiration…). Envie d’accorder une place d’honneur aux textes nourris de ce qui me fait vibrer : la mythologie, les légendes, le folklore. Envie aussi de penser aux enfants, les petites classes. Envie de donner, là encore. Tout ce que je suis capable de donner, après toutes ces années passées à engranger de l’expérience.
Tu peux nous parler un peu de la naissance d'Argemmios ? Ce que ça t'a apporté ? Quelques déceptions aussi, peut-être ?
Peut-on vraiment parler de déceptions ? Les coups durs, il y en a toujours, donc je n’ai pas vraiment été surprise de les voir arriver. Mais j’accuse le coup, oui, à chaque fois, parce que je ne jouis malheureusement pas d’une très bonne santé, et que tout ça m’épuise tant physiquement que nerveusement. Sinon, on éprouve de la déception quand on croit très fort en un livre et que ça ne suit pas trop derrière, mais en même temps, je sais que nos ouvrages sont de ceux qui se travaillent dans la durée. Même si la maison d’édition, pour continuer d’exister, a besoin de liquidités et donc de chiffre d’affaire régulier et conséquent (à notre échelle), nous ne sommes pas dans une démarche uniquement marchande. Je fais confiance au temps, je sais que le bouche à oreille nous amènera peu à peu de nouveaux lecteurs. Que de jeunes lecteurs vont grandir et découvrir notre existence. Et puis nous avons la chance de travailler aussi avec des auteurs confirmés, qui nous amènent leur lectorat le plus fidèle.
La naissance, j’en ai parlé au-dessus : toutes ces envies combinées. Beaucoup de sacrifices, aussi. Tout a pu se concrétiser grâce à l’aide précieuse de mes associés et de mes bénévoles. On a fait des tas de belles rencontres, humaines et littéraires. Avec seulement 10 titres au catalogue, et en 3 années de publication, on a déjà eu 4 nominations et 2 prix littéraires, c’est vraiment encourageant pour la suite. Et 2 nouveaux titres arrivent en cette fin d’année, auxquels on croit beaucoup. Pas envie que ça s’arrête, même si, les jours de grande fatigue… Mais non. Trop de bons manuscrits à finir de diriger, et à partager ensuite avec nos lecteurs, pour que je m’autorise à écouter l’appel de la couette !
Les Héritiers d'Homère dont deux nouvelles ont été
récompensées par un prix cette année (Merlin et Imaginales)
En ce moment, on parle beaucoup du numérique. Est-ce que tu as des projets pour Argemmios dans cette perspective ?
Oui. Mon associé, Eric Gilard, qui travaille dans l’informatique, est en train de nous préparer la plateforme de téléchargement et les outils qui nous permettront de convertir une bonne partie du catalogue Argemmios au format numérique, afin que nos titres puissent être lus aussi par ceux qui ont choisi d’investir dans une liseuse. Nos ouvrages seront à petit prix, sans DRM, et nous veillerons à donner un pourcentage confortable à nos auteurs. Il y a encore quelques points à régler mais nous espérons commencer à exister au format numérique courant 2011.
Pour revenir à toi en tant qu'auteur, est-ce que tu pourrais nous résumer les grandes lignes de ton parcours ? Tes plus grandes joies ? Tes plus douloureuses déceptions ? Qu'est-ce qui t'a poussée à continuer malgré les inévitables coups durs ?
Je suis tombée dans le chaudron sans bien savoir comment, j’avais 7 ans. Ou plutôt si, je sais comment : je lisais des mythes et des légendes et je n’arrivais pas à les laisser tranquilles, fallait que je m’immisce. Fallait que je m’y cache, que je m’en enveloppe. Que je les explore au-delà de ce que me montraient les écrits des autres. Je crois que j’ai toujours su que les mythes étaient vivants et que j’avais le droit de jouer avec eux, et même de changer les règles. De retrouver des règles oubliées ou sciemment écartées. Alors j’ai écrit. Des contes, des poèmes, des énigmes, des invocations, des prières, des hommages, des souvenirs, des inventions, des secrets, des mensonges (juste un peu, pour crypter ce qui devait l’être). Après, pour l’ordre des publications, je préfère vous renvoyer à ma bibliographie, on la trouve facilement sur le net.
Je ne veux pas parler des déceptions. J’essaie toujours de me préparer au pire pour ne pas être déçue, justement, et ainsi me réjouir quand il m’arrive de bonnes choses. En revanche, j’éprouve des frustrations, parfois. De la colère quand j’ai le sentiment qu’on a été injuste envers moi. Mais je préfère ne pas m’attarder sur ces sentiments-là. Ils empêchent d’avancer.
Mes plus grandes joies ? Quand ma grand-mère, qui a été ma première lectrice, a tenu pour la première fois un livre avec mon nom écrit dessus. Quand ma mère, très avare de compliments, m’a dit avoir aimé l’un de mes textes publiés. Quand j’ai reçu le prix Merlin en 2006, puis le prix Imaginales en 2008. Je manque dramatiquement de confiance en moi, j’ai toujours tendance à me sentir minuscule et invisible, mal-aimée, alors recevoir comme ça la reconnaissance du public et la reconnaissance d’un jury de professionnels, c’était juste énorme.
Et quand des lecteurs viennent me voir avec des étoiles dans les yeux, en me disant que mes textes les ont fait rêver, qu’ils les ont émus, bouleversés… Un jour, une jeune femme m’a écrit que me lire l’avait aidée alors qu’elle se sentait mal, que mes textes lui avaient fait plus de bien que les médicaments, et qu’ils devraient être remboursés par la Sécurité Sociale. Je crois que c’est le plus beau compliment qu’on m’ait jamais fait.
Je ne pourrais pas arrêter d’écrire. Même si mes galères financières m’ont souvent fait dire que j’aimerais être « normale », sans ce besoin irrépressible et vital qui, par certains côtés, me marginalise.
J’ai failli arrêter de proposer des textes à la publication, une fois, parce qu’un éditeur m’avait dit que je n’étais pas assez « commerciale » (pour schématiser). Cette remarque-là m’a inspiré un sentiment que j’éprouve souvent : celui d’être totalement inadaptée à notre époque. Et puis des amis m’ont soutenue, encouragée, ils m’ont fait découvrir d’autres éditeurs plus ouverts à ce que je peux proposer. J’ai fini par rencontrer, enfin, mon lectorat. Des gens qui attendent avec impatience chacune de mes publications… Pour eux, je trouverai la force. Toujours.
Ci-dessus, Nathalie à deux ans
Déjà en train d'apprivoiser des chats
pour sa future carrière chez Griffe d'Encre ^^
Tout comme tes textes ont fait du bien à cette lectrice que tu cites, est-ce que tu pourrais dire qu'écrire t'aide à vivre ? Cela t'a-t-il permis de traverser certaines épreuves ?
Oui. Et plus encore. Cela m’est aussi vital que de manger – peut-être plus vital car il m’arrive d’oublier de manger lorsque je suis plongée dans l’écriture d’un texte. C’est… ancien. Depuis l’enfance. Et c’est physique, aussi. J’écris avec chaque fibre de mon corps. Pour certains textes, j’ai vécu des phénomènes troublants, comme si j’étais… possédée par l’histoire ou les personnages. Quand je sors d’une session d’écriture, j’éprouve soudain un afflux de douleurs musculaires dont je ne prends conscience que parce que j’ai quitté « l’autre côté », celui du texte, et suis revenue en moi-même. Je ne le fais pas exprès. Parfois, aussi, je voudrais que ça ne soit pas si vital, pas si présent. Parfois, aussi, avant les enfants, j’ai souhaité ne pas en revenir...
Tu écris souvent des histoires inspirées de mythes celtiques. De quand date cette passion ? Est-ce elle qui t'a poussée à vouloir écrire ?
Je crois qu’on aura compris, à la lecture de ce qui précède, que ça ne date pas d’hier, et que oui, c’est de mon immersion dans les mythes et les légendes qu’est venue mon envie – mon besoin – d’écrire. Les Celtes plus précisément ? Je dirais au début des années 90 pour tout ce qui n’est pas la Légende Arthurienne (que j’ai fréquentée, elle, dès ma plus tendre enfance). Mais ce qui me fascine le plus, c’est la mythologie comparée. La quête des archétypes ancestraux, des schémas primordiaux. La source et la racine. La mémoire des premiers morts. Les fondements du sacré. Ma famille a toujours dit de moi que j’étais une mystique, sans accorder au mot de sens péjoratif. Je ne nierai donc pas être portée par une foi totalement intuitive et résolument païenne. On en trouve bien des traces dans mon écriture. Et cependant, je n’appartiens à aucune obédience ni ne suis prosélyte. J’affirme simplement mon existence et entends qu’on me laisse être. Sans chercher à m’éradiquer au nom de ma différence – et je m’adresse là à tous les intégrismes, qu’ils soient religieux ou pas.
Ta plume est très imagée et tes textes jouent énormément sur l'émotion ; émotion que tu sembles partager directement avec ton lecteur. Est-ce que ça ne te fait pas peur parfois de te mettre ainsi à nu ? Y a-t-il un texte dans lequel tu te sois livrée plus que les autres ?
Est-ce vraiment seulement moi que je mets à nu ? Ne sont-ce pas aussi tous ces « autres » dans lesquels je me projette, auxquels je prête ma voix, mes mots, par empathie et sympathie ?
L’émotion, c’est essentiel. C’est ce qui réchauffe et rappelle qu’on est en vie. Je ne veux pas être un pur néocortex. Je ne veux pas tenir les autres à distance. Oui, la proximité expose aux coups, mais sans elle, pas de tendresse, pas de caresses. Alors ça en vaut la peine. Le sang ne doit pas se figer. Pas encore. On aura tout le temps, quand viendra celui du tombeau.
Pour la dernière partie de cette question… oui, certains textes sont plus autobiographiques que d’autres, mais je ne dirai pas lesquels. Ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est que je les ai tous écris avec la même intensité, la même sincérité – livrant ainsi, dans chacun d’eux, beaucoup de mon être. Après, la vraie question serait de définir l’être. Donc, s’il y a un philosophe dans la salle…
On peut qualifier une partie de tes textes de contes cruels (les Contes Myalgiques II, par exemple), écris-tu aussi des contes pour enfants ? En tout cas, tu as une collection qui leur est destinée chez Argemmios, éprouves-tu des sentiments particuliers à l'égard de ce public ?
La vie est cruelle. Les contes de fées sont cruels (avec des parents qui abandonnent leurs enfants dans la forêt, des ogres qui les mangent, des gamins qui envoient de vieilles sorcières se faire brûler dans leur propre four, des marâtres qui maltraitent ou donnent à manger des pommes empoisonnées, et des fées qui, sitôt qu’elles sont vexées, balancent leurs malédictions les plus salées). Mais de toute façon, les enfants sont cruels. L’avantage d’écrire pour les adultes, c’est qu’on peut à la fois être plus explicite et plus poétique, selon l’effet recherché, l’émotion que l’on cherche à susciter. Pour les enfants… j’ai longtemps cru que je serais incapable d’écrire pour eux. Que je ne saurais pas les ménager assez, ou que mon vocabulaire leur serait trop complexe. Puis j’ai relu Perrault et Grimm, et j’ai tenté le coup. Cependant, ce n’est pas ce public-là auquel j’ai le plus envie de m’adresser via l’écriture, probablement parce que je n’ai aucun problème pour communiquer à l’oral avec les enfants. Les enfants ont tendance à m’accepter telle que je suis. Nous avons beaucoup en commun, je crois. J’aime jouer, me déguiser, chanter, dire des bêtises. Je lis des mangas, je joue aux jeux vidéos, je regarde des dessins animés. J’ai eu une enfance très sérieuse, alors il est possible que maintenant, je cherche à me rattraper.
La collection Bouts d’Cailloux des éditions Argemmios ? J’ai trois enfants, je crois que ça justifie tout. D’ailleurs mes filles testent tous les livres pour enfants que je publie.
Voir avec le coeur,
Premier livre jeunesse édité par Argemmios
Maintenant que les Contes Myalgiques 2 sont sortis, quels sont tes prochains projets d'écriture ?
J’ai fini d’écrire un conte de Noël pour enfants, qui va être publié sur Reims : destination Noël (celui de l’an dernier était pour adultes). J’ai aussi rendu récemment un texte au sujet duquel j’attends de savoir s’il convient et quelles corrections il me faudra envisager. Si tout se passe bien, ce texte sera publié au cours du premier semestre 2011. Je souhaite finaliser deux autres nouvelles, pour deux anthologies dont les thèmes m’inspirent. Mais surtout, je veux me consacrer à mes projets de romans. Ce ne sont pas les idées qui me manquent, mais le temps, vraiment.
J’ai créé ma maison d’édition en sachant pertinemment que mon temps d’écriture en souffrirait. Les trois premières années, je me suis donnée à fond pour la maison d’édition, mais maintenant je vais revenir à une phase d’écriture plus intense. J’ai pris un peu d’avance sur certains titres à paraître, j’ai trouvé des directeurs d’ouvrages pour m’épauler, j’ai des auteurs compréhensifs qui ne me harcèlent pas trop, un Comité de Lecture formidable, des associés et bénévoles extraordinaires, tout le monde a fini par trouver ses marques, et avoir signé avec un diffuseur-distributeur m’a soulagée d’un grand poids. Donc je pense que je devrais parvenir à l’équilibre et travailler sur mes romans sans trop pénaliser les auteurs Argemmios en attente de publication. Même si pour les anthos, c’est très long, je sais et je m’en excuse.
Pour finir, que ce soit avec ta casquette d'écrivain ou d'éditrice, aurais-tu quelques conseils à adresser aux jeunes auteurs qui lisent ce blog ?
Il faut lire. C’est essentiel. Trop de jeunes se lancent dans l’écriture sans avoir lu suffisamment au préalable. Il faut lire, de tout, et si possible du bien écrit. Pas uniquement du roman. De la nouvelle, des essais, des articles, des biographies, de la poésie, du théâtre… On apprend constamment, dans ce métier, et on apprend des autres. On apprend de tout ce qui nous entoure. Et il faut donner. Se donner. L’écriture ne doit pas, ne peut pas être uniquement le fruit de l’intellect. Elle se vit, se ressent avec tous ses organes. L’acte d’écrire a quelque chose de charnel. On l’empoigne, on s’y frotte, on en revient avec son armure bosselée, éclatée, les cheveux poisseux de sang, les braies souillées, tout le corps douloureux, le visage éreinté… et cependant rayonnant de fierté.
À quoi bon, sinon ?