Décidément, les jeunes générations n'ont plus besoin de cours d'école pour apprendre des insultes. Un petit tour sur les JT ou les radio d'infos et on a tout ce qu'il faut pour enrichir son vocabulaire.
Et là, je vous avoue mon grand raz-le-bol ! À l'époque du "Casse-toi, pauv'con !" j'avais pris la défense de notre président auprès de mon entourage. Pourquoi ? Parce que j'aime comprendre avant de juger. Il faut imaginer la chaleur, le bruit, la pression sur les épaules d'un président tout fraîchement élu au milieu de gens qui ne lui sont pas forcément tous acquis. Ça pousse du coude, y a des mains partout, on essaie de sourire, de se faire bien voir, on a la tête qui bourdonne et, au milieu, un type venu là juste pour vous insulter "Touche-moi pas, tu me salis." [edit suite au commentaire de Lucie : à moins que la personne n'ait pas approché Sarkozy volontairement et qu'elle ait été entraînée là contre son gré. Ce n'est pas l'impression que m'a donnée la vidéo mais je peux me tromper, je n'ai jamais été à un salon de l'agriculture] L'insulte est certes mieux tournée, mais tout aussi dure (voire plus) qu'un "Casse-toi, pauvre con" qui ne traduit, après tout, qu'une pensée logique : "Si tu ne veux pas me toucher, qu'est-ce que tu fais là ?" Toute la différence c'est que le gars venu pour insulter a eu tout le temps de réfléchir à sa tournure, le président, non [re-edit suite au commentaire de Lucie : ou peut-être que l'homme en question n'avait rien préparé du tout, le fait est qu'il y a insulte au départ, à mon avis. Une opinion que l'homme a le droit d'exprimer, mais dans ce cas, celui qui est visé a le droit d'y répondre... même s'il aurait pu le faire avec plus de grâce]. Il réagit à chaud et comme tout humain, ce n'est pas forcément brillant. Ok, d'autres, comme De Gaulle ont réagi aux insultes avec plus de classe. Mais chacun est comme il est et je juge un président avant tout à sa capacité à gouverner.
J'ai été désolée de cet incident qui n'était guère glorieux pour notre image internationale. Mais voilà, ça arrive, c'est la vie. De plus, l'ampleur de l'histoire ne vient pas de la phrase irréfléchie de notre président, mais du relais qui lui a été fait par des gens qui, eux, avaient tout le temps de réfléchir aux conséquences. J'aurais trouvé judicieux que notre président s'excuse, pas forcément à l'égard de cet homme en particulier, mais plutôt pour des paroles qui n'auraient pas dû franchir sa bouche présidentielle. Il a préféré ne pas le faire, bon. De là à exiger sa démission... je pense qu'il y a des choses plus importantes.
Donc, forcément, comment voulez-vous que je réagisse quand les insultes sortent de la bouche d'un joueur de foot, en plein match tendu, gavé d'adrénaline jusqu'au bout des nerfs... ? Et surtout comment voulez-vous que je réagisse quand le même président trouve les paroles du joueur indignes et appelle à des sanctions exemplaires ? En dehors même de Sarkozy, chacun d'entre nous n'est-il pas capable de savoir qu'il y a des moments où on perd son self-control et où on dit des choses qu'on ne devrait pas ?
Alors on parle de l'exemple déplorable à l'égard des jeunes générations, mais en quoi Anelka est-il responsable de la sortie de ces paroles du vestiaire où elles auraient dû rester ? Et surtout de l'étalage en première page d'un journal, là où n'importe qui peut les lire ?
La première chose qui m'a choquée dans cette affaire, c'est la négation complète de la présomption d'innocence. Autant dans l'affaire du salon de l'agriculture, les propos de notre président étaient avérérés. Autant cette fois-ci, nous avions un accusé qui niait, une victime qui ne s'exprimait pas et un capitaine qui assurait que de tels propos n'avaient pas été tenus. Et, en face, un témoignage anonyme (plusieurs selon l'Équipe, mais toujours anonymes). Et tout le monde a réagi à l'information telle quelle. Ces propos étaient tout simplement inacceptables et exigeaient le renvoi du joueur, voire l'impossibilité définitive de réenfiler le maillot des bleus. Mais qui peut assurer que ces mots avaient bien été dits ?
Aujourd'hui, le sélectionneur de l'équipe sort de son silence et confirme ce que j'ai toujours pensé, à savoir que nous autres quidam qui lisons les journaux ou écoutons les infos n'avons aucune idée de ce qui se passe dans un vestiaire et du type de mots qui y sont échangés. Que croyez-vous donc que les entraineurs crient à leur joueur depuis leur banc quand ceux-ci se montrent nuls ? Regardez bien leur expression (pour ceux qui s'expriment, pas comme Domenech et d'autres), est-ce que vous trouvez vraiment qu'ils ont l'air de gars en train de dire "Eh, s'il-te-plaît, machin, voudrais-tu bien faire montre d'un peu plus d'énergie ?"
À mon avis, le registre de langage tenu entre les joueurs et leur sélectionneur n'est pas d'un niveau qui nous est habituel. D'ailleurs, malgré l'insistance des journalistes à faire dire à Thierry Henry que lui-même n'avait jamais insulté un entraîneur, celui-ci est resté plus qu'évasif.
Au final, Domenech nous explique que le joueur a marmonné ses insultes dans son coin. Donc, fort probablement sur un ton qui ne permettait pas à la personne visée de l'entendre clairement (d'où l'absence de confirmation ou d'infirmation de l'intéressé). Seuls des joueurs dans l'environnement immédiat de l'attaquant de Chelsea ont pu entendre et répéter ses propos. Très sincèrement pour moi, cela dénote d'un mentalité de m... [je pèse mes mots pour ne pas être virée de mon rôle de bloggueuse]. Marmonner des insultes parce qu'on vient de se faire secouer les puces n'est pas un crime, ni même un mauvais exemple pour la jeunesse qui n'a de toute façon rien à faire dans un vestiaire privé à la mi-temps d'un match tendu. C'est juste humain. Mais être humain est-il un droit que nous laissons aux personnalités publiques ?
Personnellement, je n'aime pas entendre mes ministres traîter leurs adversaires politiques de "salope", pas plus que je n'aime lire des "fils de pute" en Une des journaux. Mais je pense aussi qu'il y a un moment où "l'information" doit savoir s'arrêter. J'aime le foot et je n'ai pas aimé du tout les "performances" de l'équipe de France dans ce Mondial. Je n'ai rien contre le fait qu'on dise la vérité sur les incompétences de l'un ou de l'autre. Pour le salaire qu'ils touchent, mouiller le maillot et faire quelques efforts pour laisser leur ego au vestiaire, me paraît un minimum. De là à bruler un joueur en place publique pour quelque chose qui ne nous regarde pas, il y a un pas à ne pas franchir.
Je pense que c'est à nous, public, de voir le genre d'informations que nous "consommons", de voir sur quoi nous voulons juger les gens : sur leurs compétences de ministre, président, joueur de foot ou sur leurs pensées intimes et leurs propos privés.