Autisme : trouble neuro-développemental qui rend la vie très compliquée. Différence cognitive qui transforme certain son en réelle souffrance, une foule en une infinité de détails terrifiants, engendrant une fatigue insupportable, douloureuse.
Intolérance : trouble social très répandu qui consiste à refuser sa chance à une personne sous prétexte d'anormalité ou de handicap. Différence de traitement entre certains individus parfois agressifs mais acceptés car « normaux »* et certains autres qui font tout pour être acceptés mais qu'on refuse à cause du « risque » contenu dans une simple étiquette.
(*Qui pourra dire qu'il n'a jamais rencontré de ces terreurs de bac à sable qui s'attaque aux autres enfants, aux adultes, se rebellent... ? Il faut qu'ils aillent très loin pour subir une exclusion. À quels enfants peut-on dire "non" par principe, avant même de les connaître, juste parce qu'ils sont porteurs dans leur chair d'une tare gravée à la naissance ? Quels enfants se permet-on de rejeter sans autre forme de procès si ce n'est les "handicapés", les plus vulnérables ?)
Autisme + intolérance : double peine. Puni pour une blessure portée depuis la toute petite enfance. Puni de ce qu'on est, de ce qu'on est né.
Je regarde mon fils, tous les progrès qu'il a faits, tous les efforts qu'il a fournis et ceux que je lui ai arrachés au point de me haïr parfois de lui en demander tant. Je le regarde et je me dis « Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ? Que devra-t-il encore franchir comme obstacles pour simplement avoir sa chance ? »
Alex est un enfant perpétuellement en sursis. Accepté ici, spontanément, rarement. Accepté là, plus difficilement, un combat à chaque fois. Puis un autre. Et encore un. Chaque fois qu'on l'emmène là où n'importe quel enfant peut aller, on le fait sur la pointe des pieds, on tape doucement à une porte de derrière, on explique, on s'excuse humblement, on supplie, on croise les doigts pour que la porte s'entrouvre, on dit merci, presque les larmes aux yeux, juste parce qu'on a eu droit à ce qui est normal et évident pour tous.
Quand parfois il me dit « Maman, câlin » et qu'il vient contre moi, se rouler, tout fort, tout serré, si petit, si fragile, quand je sens une telle vulnérabilité en lui, j'ai beau le serrer de toutes mes forces, je n'ai pas assez de deux bras pour le protéger de tout ce qui le blesse et le blessera encore.
Autisme + intolérance = double peine. Triple, même, quintuple.
Parfois, je me rends compte de toute cette tristesse qui m'habite. Je me dis que si je m'arrêtais un instant, si je cessais d'être toujours en action, elle me rattraperait. Je crois qu'elle pourrait me tuer. Je sens ce gouffre de non-vie et de non-espoir qui m'aspire. Il suffirait de m'y abandonner pour lentement m'éteindre. Un soupir,quelques larmes pour éteindre les flammes de la douleur. Et plus rien. Le silence, le repos.
Ça ira mieux demain. Je vais remettre un couvercle de foi sur tout ça. Le découragement n'est pas une voie possible. Je dis rarement combien tout ça fait mal, parce que je refuse qu'on pense que je souffre à cause de mon enfant. Ce serait un mensonge. Ce n'est pas lui qui fait mal.
Tableau clinique de l'autisme :
Particularité sensorielle, cognitive, mnésique : souffrance + +
Intolérance : souffrance + + + + + + + + [+ ∞]
Il n'a que six ans... S'il-vous-plaît, arrêtez.