S'il y a une qualité que je peux me reconnaître (c'est pas souvent, alors je me permets), c'est d'être quelqu'un de travailleur. Je ne crois pas avoir un talent particulier à l'origine pour quoi que ce soit (allez, les maths peut-être, et encore...), mais j'ai toujours essayé de travailler pour aller aussi loin que je le pouvais dans la voie que je choisissais. En dessin, ça n'a jamais dépassé quelques imitations pas trop mauvaises de dessins déjà existants (après des mois et des mois de boulot acharné). En matière d'écriture, je ne sais pas jusqu'où je suis capable d'aller, mais je sais que le travail, la remise en cause perpétuelle de ce que j'ai accompli est une condition indispensable pour avancer.
Ma récente réflexion autour de Cocyclics m'a alors amenée à approfondir les raisons pour lesquelles je ne pouvais pas travailler dans le cadre de ce forum. D'autres auteurs ont expliqué qu'ils avaient déjà un réseau de bêta-lecteurs suffisant. Je le comprends très bien. Mais ce n'est pas mon cas. J'ai deux bêta-lecteurs réguliers que j'adore et qui lisent tous mes textes (s'ils passent dans le coin, je les en remercie), j'en ai d'autres moins réguliers. Eux-mêmes n'étant pas auteurs ou écrivant moins que moi, j'ai du mal à les solliciter trop souvent (j'écris parfois *beaucoup*) parce que je ne peux pas leur rendre la pareille. Il m'arrive d'être absolument incapable de me faire une idée sur un de mes textes (dans 90% des cas, en fait), si celui-ci n'est pas dans les goûts de mes relecteurs habituels (ce qui arrive) je ne peux pas savoir ce que le texte vaut vraiment. En fait, je manque d'avis divergents. Et, au stade où j'en suis (j'y reviendrai dans un autre billet), j'ai besoin de ça. J'ai besoin de changer, de me renouveler et de savoir ce que je vaux dans des registres un peu différents de ce que j'ai fait jusqu'ici.
Et donc pourquoi pas Cocyclics ? Je m'en suis ouverte sur leur forum, expliquant par le menu les raisons qui ne me permettaient pas de travailler sur le forum. En allant au fond des choses, je me suis rendu compte qu'une fois encore, ce n'était qu'une question de travail. Le travail le plus difficile qui soit : celui qu'on fait sur soi-même et ses propres angoisses.
J'ai donc posté mon premier texte sur Cocyclics aujourd'hui et, au lieu de guetter comme une malade les premières bêta-lectures, je vais gentiment déconnecter mon PC et retourner travailler sur mon texte actuel.
Si j'ai posté ce billet dans la section "conseils" et pas dans "mon actualité" ce n'est pas pour vous dire "Il faut aller sur Cocyclics, absolument, quelles que soient vos objections." Non, c'est uniquement parce que ça m'a fait réaliser que le travail d'auteur (ou du moins la démarche qui consiste à essayer de transformer le plaisir d'écrire en un véritable travail "d'écrivain") ne consiste pas seulement à travailler son style, ses manuscrits et ses idées. C'est aussi une constante confrontation avec nos propres peurs: parce qu'écrire, c'est s'exposer. Pour certains, ça va être la peur des critiques, ou des dédicaces, ou du travail éditorial... Pour moi, c'est la peur de confronter mes écrits à des avis divergents alors qu'ils n'ont pas encore "séché". Imaginez un béton tout frais et encore tendre autour duquel vous ne mettez pas de barrière. J'avais peur du piétinement sur ma plume encore fragile, la peur de me lisser pour plaire à tout le monde parce que je manque encore de confiance en moi... Plein de peurs difficiles à synthétiser au final. Le fait est que je les ai virées, ces peurs-là. Peut-être parce que quelque part, un ado plaque des accords improvisés sur une guitare électrique et que je me sens encore un coeur d'ado qui veut n'avoir peur de rien.