Il y a six mois de ça, personne ne pouvait m'assurer que mon fils parlerait un jour. Selon les différentes sources que j'ai eues 70% des autistes resteraient non-verbaux... ou 30% ! Essayez de vous y retrouver avec des écarts pareils ! Je suppose que ça dépend si on inclut les syndrômes d'asperger, si ce sont des chiffres en France ou internationaux avec des prises en charge différentes. Bref, peu importe. Il y a six mois, je m'étais dit que sans doute, je n'entendrais jamais mon fils m'appeler Maman.
Alex adore lancer des cailloux dans l'eau. Cet été, nous avons fait énormément de promenades autour des lacs de Lorraine. Pour le récompenser de bien marcher, nous avions plusieurs coins où nous nous arrêtions et où je lui déterrais des cailloux pour qu'il les jette dans l'eau. Le rituel était le suivant : je tendais le caillou, lui disais « Encore un caillou ? » Je devais saisir son regard, il tendait la main, je le lui donnais en disant « Ouiiiii ! » Puis c'était « Plouf » quand il jetait le caillou dans l'eau et j'avais droit à un regard en coin pour être sûre que je le disais bien le « plouf » et au bon moment, attention !
Une centaine de cailloux ont dû être jetés chaque jour, entre mai et août presque un millier de « Encore un caillou ? » de « Ouiii » et de « plouf ! » Et un jour, alors que je lui tendais son caillou, mon fils m'a dit « Ouiiiii ! »
Le lendemain, il a dit « caillou ».
Et rien que de l'écrire j'ai le regard qui s'embrume. Je m'entends encore, toujours la même musique dans la voix : « Encore un caillou ? »
Est-ce que j'y croyais vraiment ? Je ne sais pas. Il fallait essayer, c'est tout.
« Ouiiii ! » Ce son-là était magnifique. Indescriptible.
Aujourd'hui, cinq mois après ce premier « oui » Alex a une centaine de mots de vocabulaire employés à bon escient. Maman a été parmi les premiers. « Câlin » est tout récent. Il peut former quelques phrases et désigner des objets juste pour le plaisir de les nommer et pas seulement pour satisfaire un besoin. Il ne cesse de me montrer de nouvelles choses pour que je lui apprenne de nouveaux mots.
Encore un caillou, mon Alex ? Encore un nouveau mot ? Une petite pierre pour bâtir cette vie qui va être la tienne ? On te la fera si haute que tu pourras toucher le ciel et caresser la lune qui te fascine tellement. Mais elle aura plein de portes pour y laisser entrer les gens aussi. Ceux que tu voudras, ceux qui seront assez humains pour mériter d'entrer.
Un ami m'a dit un jour « Les miracles n'existent pas de ce côté (dans le réel et non l'imaginaire) ». Je lui ai répondu qu'il en arrivait chaque jour. Les miracles n'existent pas par eux-mêmes, c'est vrai, il faut les bâtir, aller les chercher, les déterrer... comme des cailloux.
En cette nouvelle année, je voulais vous raconter ça, vous dire que les miracles existent et avec eux, le bonheur. Même si je pense souvent à vous, je ne suis plus beaucoup ici et certains doivent imaginer la vie éprouvante que je mène. Et c'est une épreuve en effet... parfois. Il faut tenir bon et aller au bout. Mais il y a de la lumière et de l'espoir à chaque coin de route. Alors je veux le dire aux parents d'enfants autistes qui pourraient passer ici, ceux qui se battent et ceux qui n'en peuvent plus ; aux jeunes auteurs qui y croient ou n'y croient plus ; aux gens, tout simplement, à chacun d'entre nous parce que nous affrontons tous des épreuves tout le temps : battez-vous et croyez-y.
En cette nouvelle année, j'ai une révélation à vous faire : je sais que le bonheur existe et les miracles aussi. Allez chercher les vôtres. Si vous tombez, pleurez si il le faut... J'en ai versé des larmes cette année. Et puis relevez-vous. Si le bonheur n'était pas là, il se cache peut-être plus loin.